Asseyez-vous, mettez-vous à l'aise, ôtez vos casques, ouvrez les cuirs et écoutez cette jolie histoire...
D'humeur baguenaudière et primesautière, je m'en suis allé faire un tour chez Aprilia-Vespa-Piaggio-Moto Guzzi pour voir un peu ce qu'il se passe de l'autre côté des Alpes en restant à Tours (toujours ce côté aventurier-de-canapé qui me caractérise...) Etant toujours en quête d'un deux-roues motorisé capable de transporter par monts et par vaux l'Apollon que je suis, la Vénus qui me suit, et la bagagerie, j'ai demandé à procéder à l'essai du véhicule sus-nommé. Il faut dire qu'Internet regorge de tests et autres comparatifs élogieux de cet engin. Et moi, il n'en faut pas plus pour titiller ma curiosité ! Me voilà donc à l'aube de ce qui devrait être un 1er essai en solo, avant l'essai en duo prévu samedi.
Déjà, la bête me plait. Si son ramage est à la hauteur de son plumage, il sera assurément le Phénix des hôtes de ces rues. La moto arbore une sobre robe noire, tout juste réhaussée par-ci-par-là d'une touche de chrome de bon aloi. Le carénage est joliment dessiné et promet une protection plus que correcte, la selle semble accueillante et confortable quoiqu'un peu large à l'entrejambe et la finition parait pas mal du tout, j'en prends pour exemple ce joli joint qui suit le pourtour du carénage entre icelui et le réservoir. Ensuite, comment ne pas remarquer ces joyeux cylindres ? Pourquoi joyeux ? Parce qu'ils sont en érection pardi hé hé hé ! Ils pointent vers les cieux semblant promettre des sensations dignes de Dieu. En tous cas, sont mahousses les bougres ! En même temps, un bicylindre de 1200 cm3, ça doit fleurter avec... oulala... pas moins de 600 cm3 par cylindre ça !
Un petit détail amusant signalé par le concessionnaire : une moitié de chaque cylindre et caché par un cache (pas mal hein ?
) dont on peut changer l'orientation. C'est à dire qu'en été, on le visse à l'arrière pour que la chaleur s'évacue vers l'avant, et en hiver, on le dévisse puis on le revisse à l'avant pour que la chaleur s'évacue vers l'arrière, sur le jambes pour les réchauffer. Pas con hein ?!Cette grosse moto est de plus équipée d'une béquille latérale (de merde, voir plus loin), d'une béquille centrale, de l'ABS, de valises et d'une bulle électrique uniquement actionnable par ceux qui ont des pouces de 20 cm de long puisque les boutons sont non pas installés sur les commodos mais sur les demi-guidons.
Le bloc compteur est superbe et complet, si ce n'est qu'il lui manque l'indicateur de rapport engagé - inacceptable sur une GT. Les différences indications sont sélectionnables grâce à un bouton situé sur le commodo gauche, mais je dois avouer que je ne me suis pas appesanti sur sa manipulation. A l'arrière de ce même commado, on trouve le bouton de mise en route des poignées chauffantes. Sur le commodo droit, on trouve le bouton de warning et le bouton de connexion/déconnexion de l'ABS - bizarre sur une GT. Autre petit détail qui a son importance : au dessus des superbes compteurs à aiguille, on trouve un témoin de repliage de la béquille.
Bon bah il est temps de mettre tout ça en marche ! Tournage de clé, mise en route de l'injection et appui sur démarreur. Alors là mes amis, c'est la Bérézina, l'éruption du Vésuve, l'enfer sur Terre !!! Imaginez ces 2 grosses gamelles qui se mettent en branle dans un bordel de tous les diables ! Jouent bien le jeu les cylindres en pointant leur nez vers le ciel ; c'est pour le narguer en fait ! Cette bécane sort tout droit de l'enfer ! Quand je vous dis que ça se met en branle, c'est pas imagé. Vous verriez comment qu'elle gîte la grosse ! Ca tremble, ça vibre, ça chahute... Je commence à me dire que je vais m'offrir un bon massage gratos moi là dessus
Et alors ce bruit, les aminches... Que du bonheur ! Un son grave, puissant, un poum-poum d'outre-tombe. Le genre de bruit qui te décrasse les tympans des souillures quotidiennes issues de nos vies urbaines. En plus, pour ma part, je passe mes journées au téléphone... Donc, pour ceux qui connaitraient pas, c'est le même bruit qu'une Harley, mais pas complètement, et surtout beaucoup plus puissant. J'ai idée que je vais me sentir dans la circulation comme Moïse devant la Mer Rouge avec ce truc moi ! Ca va filer doux tout autour !Je chevauche le sex-toy pour maxi-gourmande et bande mes muscles afin de la relever de sa fameuse béquille latérale, me disant que vu où sont situés les cylindres, ça risque d'être coton pour la manier. Erreur grave : le centre de gravité est placé extrêmement bas et la manier à l'arrêt est un jeu d'enfant, tout en gardant bien sûr à l'esprit le poids de la bête : 257 kg à sec. Mais c'est là que le bât blesse... J'ai une question : quel est le bougre d'enfant de péripatéticienne qui m'a pondu une béquille pareille ?! J'vous jure : si j'l'attrape, je vais lui apprendre le sens du mot "responsabilité" moi, comme dirait Max Cady. Pour vous expliquer mon énervement, cette #&*% de béquille est placée quelque chose comme 20 cm trop en avant. Donc, gêné par le carénage, impossible pour moi de dé-béquiller sans me déhancher. Pas un ergot pour l'atteindre, rien, nada ! Tends la jambe et démerdes toi ! Ou appelle Adriana ex-Karembeu !!!
Ce petit désagrément surmonté, j'enclenche la 1ère et pars vers de nouvelles aventures.
Bon, ça commence bien : la poignée d'embrayage est mal réglée et quand je débraye à 2 doigts, la machine avance encore. Un coup de molette et le problème est réglé. Comme le concessionnaire est en centre ville, je me retrouve illico en circulation de sortie de bureau. Je ne suis pas étonné de constater que l'italienne s'en sort très bien. Toujours aidé par ce centre de gravité placé très bas, elle se laisse manier tout en douceur, virevoltant de droit à gauche tel un papillon rieur. Par contre, le moteur lui n'est pas trop à son aise. Un gros moulin comme ça, ça a besoin d'espace. Coincé entre les voitures, il m'exprime son mécontentement en grognant et en vibrant plus que de mesure. A la remise des gaz, c'est du brutal ; faut reconnaitre que c'est plutôt une moto d'homme. Je décide de m'extraire de cette tambouille pour rejoindre des routes du réseau secondaire comme dirait Bison Futé. Une rotation franche et virile de la poignée et la bécane décolle. Encore une fois, c'est à peine une image puisque le cardan fait s'élever tout le bouzin à l'accelération.
Oh put** ! Gaffe aux valoches ! J'les avais oubliées celle-là ! L'ensemble est tellement léger dès que ça roule qu'on en oublie le gabarit de l'engin. En deux coups de cuiller à pot je me retrouve sous de nouveaux horizons. Et mon pote le moteur, pour me remercier, fait montre d'une vigueur hallucinante. Il en a sous la semelle et entend bien me le montrer. Et oui : la Norge est une GT qui pousse. Et qui pousse plutôt bien même. Les hypers jouissives montées en régime sont accompagnées par la symphonie en Brroooarrrr majeur du pot d'échappement. Mais c'est là que le bât blesse bis. Qui est l'espèce de blablabla (voir plus haut) qui m'a collé une boite pareille ? Pour schématiser pour les mous de l'encéphale : ils nous ont accolé une boite de vitesses de tracteur à un moteur de Porsche. C'est bien simple, lorsque je passe en mode "Taïaut-taïaut-Taïaut, Sus à l'ennemi" (et non pas "suce l'ennemi", ou je te tonds), il est tout simplement impossible de passer le rapport supérieur. Et tu peux toujours essayer de taper sur le sélecteur, macache bono, va te faire reluire à la brosse à chaussure ! Et c'est con parce qu'à côté de ça, le freinage est vraiment top, et on aurait vraiment envie de limer un brin les tétons de repose-pied...
Un petit test de l'ABS ? Ok, ça marche, je suis à vos ordres. Ligne droite dégagée - j'accélere - je mets tout ce que j'ai sur la pédale de frein arrière : ça freine très bien mais j'ai des retours dans la pédale lors de l'enclenchement du système. Même processus pour l'avant : même sanction, ça freine très fort sans bloquer la roue mais j'ai des retours dans la poignée. On sent que ce n'est pas un ABS dernière génération, mais il remplit quand même parfaitement son rôle. Et puis qui irait se plaindre après avoir éviter la chute, l'accident, la mort, qu'il a senti des à-coups dans la poignée de frein lors du déclenchement de l'ABS ?
Je dois donc passer en mode balade. Et là, la moto prend tout son sens. Le confort et la protection sont royaux. Je passe la 6 et roule sur le couple, tranquille. Je m'amuse à monter et descendre la bulle électrique afin de tester la déviation du vent qui en résulte. Cela fonctionne très bien. Mais alors, le fait de lâcher la poignée gauche pour pouvoir atteindre les boutons, excusez du peu mais ça craint du boudin ! Bonjour la sécurité !
Encore une fois, ce fabuleux moteur s'annonce réellement comme la pièce maitresse de cette moto. Quelque soit le rythme adopté, passé les premiers 2500 trs/min, il répond présent. Pas besoin de jouer avec la boite quand on entre en agglomération ou, au contraire, quand on souhaite faire un dépassement : il pousse. La boite justement, reparlons-en. Autant madame n'est pas contente quand on la prend pour celle d'un R1 (complètement au hasard cet exemple...), autant elle est souple et bienveillante quand on la caresse dans le sens des engrenages. Il faut bien décomposer et les rapports se verrouillent parfaitement et sans bruit.
Je finis mon périple par un peu de voie rapide. Bulle en haut, j'adopte une position dite sénatoriale, bien droite et bien assis sur mon auguste fessier. Je passe le dernier rapport assez rapidement et tourne la poignée franchement. Je dépasse allègrement la vitesse réglementaire (chuuuut...) et atteinds un petit 180 compteur. Je ne ressens aucune pression du vent, si ce n'est une légère poussée sur les épaules. Tiens, un caisseux déboite sans clignotant devant moi (oh surprise), je jette un coup d'oeil dans le rétro pour vérifier que personne ne me colle aux basques et déclenche un freinage de trappeur. Je fais un petit pouèt-pouèt pour marquer ma désapprobation quant à son comportement irresponsable et dangereux, et ré-accélère puisque je n'ai même pas rétrogradé. Et c'est reparti comme en 40 ! Un vrai bonheur. Je fais un petit détour par mon boulot pour faire les présentations avec Vénus, manque de foutre la moto par terre à cause de la béquille latérale que je n'ai plus la force d'insulter, et rentre à la concession.
Je me fends du résumé habituel pour les feignasses habituelles qui vont directement à la fin.
Bon ok, j'adore cette moto. Mais je reste circonspect quant à sa conception. Une GT, c'est fait pour vous emmener d'un point A à un point B dans un maximum de confort sans que les personnes juchées dessus ne fasse qu'un minimum d'effort. Dans le cas présent, il y a des trucs qui ne collent pas :
- ergonomie des commodos perfectible
- ABS "old-school"
- pas de témoin de rapport engagé
- béquille latérale qui pue
- moteur qui vibre (beaucoup) et qui fait (beaucoup) de bruit
A côté de ça, le confort est top, tout comme la protection et la maniabilité est exemplaire. Les deux valoches, en plus d'être jolies et parfaitement intégrées dans le design, ne demandent qu'à être chargées ras-la-gueule pour partir autour du monde.
Mais à opposer à une BMW, on peut se poser des questions. Là où un allemand dirait :
"Ponchour ! Mein konception de la moto ya, c'est qu'elle m'emméneuh de A vers B, sans RIEN DIRE ! DAS IST EINE MASCHINE ! JE NE FEUX RIEN ENTENDREUH !!!"
Il semble qu'un italien répondrait :
"Ma qué ? Tou veux jouste aller d'oune point à oune autre sans rien ressentir ? Ma tou é fou ou koi ? Oune moto, il faut qué ça vive, qué ça bouge, qué ça remoue du popotin !"
(je fais bien les accents hein ?
)En fait je crois que c'est ça la Moto Guzzi Norge : une conception, une interprétation italienne de la GT. Elle n'a pas la rigueur d'une allemande, elle a des gros manques pour une GT, mais elle est bourrée de charme. Là où une BMW R1200RT se fera oublier lors d'une traversée du pays, la Norge GT revendiquera qu'elle aussi fait partie du voyage.
, mais aurais-je supporté ça sur une GT pour des trajets au long cours ? pas sûr....
et le 1200 sport aussi 
( en 3ème moto 
